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Charge virale contre le lait cru

Depuis quelques jours, les mass médias véhiculent des informations réductrices sur le cas des « deux enfants contaminés par E. Coli après avoir consommé du Morbier au lait cru ». Ne tombons pas dans l’hystérie collective et mettons en perspective l’information pour mieux la comprendre et l’analyser.


De quoi parlons-nous ? Deux enfants ayant consommé du Morbier AOP, forcément au lait cru (cf. Cahier des charges de 2013), sont hospitalisés depuis quelques semaines après des symptômes graves de contamination à un STEC (Escherichia coli productrice de shigatoxines) ayant entrainé une infection grave et peut-être irréversible de leurs reins. Ces deux enfants devront peut-être subir à vie des dialyses. Les conséquences sont graves et ne doivent pas être négligées puisque ce sont de véritables drames dans les familles.


Mes propos ne traitent pas de ce sujet mais bien des articles à charge contre le « lait cru ». Le lait cru est « un lait produit par la sécrétion de la glande mammaire d’animaux d’élevage et non chauffé à plus de 40°C, ni soumis à un traitement d’effet équivalent » ; le lait pasteurisé est « un lait obtenu par un traitement thermique de 72-78°C pendant 15-20 secondes (pasteurisation haute) ou 63-65°C pendant 30 minutes (pasteurisation basse) puis ramené à moins de 6°C. La pasteurisation entraîne la destruction thermique des micro-organismes mis à part les bactéries propioniques et thermophiles » ; le lait thermisé est a mi-chemin entre le lait cru et le lait pasteurisé (généralement entre 57 et 68°C). L’action de pasteurisation ou de thermisation se fait à l’instant que le lait parvient sur le site de fabrication des fromages. Autrement dit, pasteurisation et thermisation ne signifie pas immunisation contre les pathogènes puisqu’une post-contamination est toujours possible sur la chaîne de production, sur la chaîne d’affinage, sur la chaîne de transit, sur votre site d’achat et généralement dans le réfrigérateur du consommateur final. C’est en cela que nous parlons de fromages au lait cru/thermisé/pasteurisé et non de fromages crus/thermisés/pasteurisés. Les mots ont leur importance.


Le législateur recommande que les fromages au lait cru ne doivent pas être consommés avant l’âge de 5 ans, hormis les pâtes pressées cuites (non pas que la technologie outrepasse les 72°C mais parce que l’affinage « de garde » minimise les risques). Cette recommandation émane de l’OMS qui estime que les risques sont minorés avec du lait pasteurisé. Pourtant, en se rendant sur le site ministériel Rappel Conso, je remarque, après une rapide analyse, que les fromages au lait pasteurisé sont régulièrement rappelés pour cause de post-contamination. Cette recommandation est donc avant tout destinée aux lieux collectifs de consommation (cantines par exemple) et est une précaution juridique en cas de TIAC (« tout a été mis en œuvre pour limiter les risques de contamination généralisée »).


Ce qui est le plus étonnant, c’est le traitement de l’information fait autour de ces « faits divers » dramatiques. Le lait cru est généralement incriminé comme contaminant alors que ce n’est pas lui qui tue ou empoisonne mais bien une bactérie pathogène. La mention « lait cru » est écrite en lettre CAPITALE dans les articles ou cité alors que quand c’est un fromage au « lait pasteurisé » la mention est omise. Résultat : les non-savants font le lien entre « lait cru » et « infection ». Le débat s’hystérise et les préjugés sont véhiculés ! C’est ainsi que les fromages au lait cru, qui ne représentent que 10,5% de la production fromagère française, sont accusés à tord (bouc émissaire) alors même que des études de Sozanska, 2019 ; Loss, et al., 2015 ; Divaret-Chauveau, 2020 sur la consommation de lait cru et ses effets sur la santé ont démontré que le lait cru avait des effets bénéfiques sur la santé (probiotiques, macro-nutriments comme les protéines et les acides aminés du lait, micro-nutriments comme la vitamine D, le calcium et oligo-éléments), voire protecteurs contre certaines maladies plus sournoises encore et iatrogènes – asthme, allergies, rhinites, otites, infections des voies respiratoires, intolérance au lactose (Richard, 2020) – qui correspondent à nos modes de vie contemporains et aux recommandations médicales hautement et fortement « totalitaires » (Gori & Del Volgo, 2005).


Rajoutons ceci : la laiterie Monts & Terroir, source actuelle de cette contamination à Escherichia coli productrice de shigatoxines (Rappels Conso de décembre 2023) a forcément analysé les laits arrivant sur son site de production (obligation légale). Le lait arrivé en laiterie était donc obligatoirement « propre » sinon il aurait été évacué. Le Morbier AOP est un fromage dont le cahier des charges mentionne un affinage minimum pour porter le label de 45 jours. Les résultats étaient forcément connus avant commercialisation sous différentes marques Monts & Terroir, Marques du distributeur, Sélection secret d’affineur ou Morbiers de la Maison du gruyère, AOP sélection, AOP Terrier. La post-contamination s’est donc faite entre la fabrication et la commercialisation à moins qu’il y ait eu une négligence dans les étapes d’analyse. Par conséquent, le lait cru ne doit en aucun cas être incriminé puisque cette contamination aurait pu advenir sur du lait pasteurisé (la contamination s’est faite en aval).


En somme et pour conclure, évitons les analyses rapides empruntes de préjugés et de passion et traitons l’information correctement. Les débats seront ainsi moins stériles puisque le sujet est bien plus complexe que ce que les mass médias nous laissent croire. Or, ce traitement de l’information ne fait pas les affaires des médias qui vivent grâce aux audiences. Plus un sujet sera clivant, plus il fera de vues, dd commentaires et de clics et donc plus il génèrera des revenus publicitaires.

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