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La conservation des œufs : à température ambiante ou au réfrigérateur ? On vous dit tout !

Avant toute chose, je tiens à remercier Monsieur Camille Bouza (gérant de la Fromagerie Lacto-vino à Vienne, diplômé de l’ENIL d’Aurillac et de Mamirolles) et Madame Sophie Réhault-Godbert (INRAE, Centre Val de Loire) pour la qualité de leurs explications à l’initiative de la rédaction de cet article sur la conservation des œufs.

L’œuf est un produit agricole d’origine animale et fait partie intégrante de l’alimentation humaine depuis le Moyen-âge. Jusque dans les années 1950, avant l’avènement des moyens modernes de conservation des aliments (frigos), les œufs étaient généralement conservés dans des pots en grès contenant du silicate de soude (couramment nommée potasse), à température ambiante, à l’abri de la lumière et des fragrances d’autres aliments. Ainsi disposés dans ces conditions, l’œuf pouvait se conserver plusieurs mois. La potasse permettait de préserver l’œuf des bactéries nocives (bactéries pathogènes) ou responsables de sa dégradation (bactéries d’altération).

En effet, l’œuf, tout comme les aliments riches en protéines et en eau, est particulièrement sensible et exposé aux micro-organismes pathogènes responsables notamment de Toxi-Infection Alimentaire Collective. Cette sensibilité s’explique par les conditions de vie et de développement des micro-organismes pathogènes, comme la Salmonella Spp responsable de Salmonelloses. La Salmonella Spp est un bacille qui croit entre 5 et 50°C (optimum à 35-37°C), à un pH entre 3,8-9,5 (optimum à 7-7,5) et dans un milieu très riche en eau (activité de l’eau entre 0.94-0.99). Pour ainsi dire, la croissance de Salmonella Spp est exponentielle à température ambiante.

Or, la coquille de l’œuf est poreuse et fine (0,4 mm) donc potentiellement fragile. Elle est composée principalement de carbonate de calcium (calcite) et est traversée par des pores qui permettent des échanges gazeux entre l’extérieur et l’intérieur de la coquille. Ces échanges permettent la respiration de l’embryon au cours de son développement. N’oublions pas qu’avant d’être un aliment pour l’Homme, l’œuf est avant tout le lieu de développement d’un poussin à condition que l’ovule soit fécondé par un coq (ce qui n’est pas le cas des œufs de consommation). A titre d’information, un œuf compte entre 6000 et 9000 pores, de diamètre allant de 0,1 à 9/10 µm. La coquille représente donc naturellement une barrière physique pour la grande majorité des micro-organismes si l’on considère que ces dernières ont un diamètre proche des 10-20 µm. Sa surface n’est cependant pas stérile mais ces micro-organismes de surface (flore de surface) régule l’implantation de bactéries potentiellement pathogènes. Une expérience menée par l’INRAE a montré que l’intégrité d’une coquille d’œuf est déterminante pour maintenir une protection antibactérienne fiable. Une fêlure ou une simple micro-fissure, invisible à l’œil nu, constitue une porte d’entrée pour les agents pathogènes. C’est pourquoi, les producteurs d’œufs mirent les œufs avant de les mettre en boîte afin de repérer les coquilles ébréchées. Toutefois, des chocs durant le transport peuvent entraîner des fêlures et la contamination de l’œuf durant toute la chaîne de distribution. C’est en cela qu’il est recommandé de conserver les œufs au réfrigérateur ou dans une chambre froide afin de freiner la prolifération de bactéries qui auraient réussi à pénétrer dans l’œuf.

Notons néanmoins que la coquille de l’œuf,composée à 95% de matière minérale, n’est pas naturellement un terrain favorable à l’implantation de Salmonella Spp. En effet, la coquille est entourée d’une fine pellicule organique nommée la cuticule. Cette protection est déposée sur l’œuf juste avant sa ponte. Après que l’œuf soit pondu, la cuticule sèche et forme des plaques imperméables aux bactéries au niveau des pores. De plus, le blanc de l’œuf comporte un nombre important de molécules anti-bactériennes, comme l’ovotransferrine ou le lysozyme (toutes deux des protéines). C’est pour ne pas fragiliser cette protection naturelle de l’œuf qu’il est conseillé de ne pas les laver.

La question de la conservation des œufs met en relief une autre question : est-ce que la cuticule protectrice de l’œuf perd en efficacité, comme certains l’affirment, à température réfrigérée ?


Pour répondre à cette question, remarquons que deux grandes pratiques de conservation des œufs s’opposent : la pratique nord-américaine et la pratique européenne. La pratique nord-américaine, fortement hygiéniste, consiste à laver les œufs afin d’ôter les germes des micro-organismes pathogènes. Or, ce lavage privera l’œuf de son film protecteur naturel et fragilisera la coquille. C’est pourquoi, aux États-Unis et au Canada, il est fortement recommandé de conserver les œufs au réfrigérateur afin de ne pas les exposer à une contamination post-lavage. En France et en Europe, les autorités sanitaires ont préféré privilégier la protection naturelle de l’œuf en préservant la cuticule. C’est pour cette raison qu’il est interdit aux producteurs de laver les œufs. A cela s’ajoute des campagnes de vaccination des poules contre la Salmonelle afin de limiter la contamination verticale de l’œuf, i.e. au moment de sa formation au sein de l’appareil reproducteur de la poule. Cette contamination de l’œuf est aujourd’hui maîtrisée et peu courante. Cependant,la contamination dite horizontale, une fois l’œuf pondu est toujours possible, si la coquille subit des chocs ou s’il est conservé dans des conditions inappropriées (variations de température).Toujours est-il, la pratique qui consiste à privilégier la protection naturelle de l’œuf tient à la tradition de la conservation des œufs dans les fermes rappelée au-dessus qui n’avaient malheureusement pas les moyens de les conserver dans des enceintes réfrigérées. C’est en cela qu’il est courant de lire ou d’entendre que les œufs peuvent être conservés à température ambiante.


Or, les chocs thermiques répétés favorisent la condensation à la surface de la coquille et entraîne la perte d’efficacité de la cuticule et ainsi la solubilisation de la couche externe de la coquille. Autrement dit, les écarts de température fragiliseront la barrière naturelle de l’œuf, permettant ainsi aux Salmonelles de pénétrer l’œuf par les micro-fissures et de s’implanter à l’intérieur de l’œuf. C’est pourquoi, il est conseillé aux consommateurs et aux vendeurs de se tenir informés des conditions de conservation des œufs tout-au-long du parcours de l’œuf. En effet, un œuf non lavé qui fait un passage au réfrigérateur doit y rester jusqu’au moment de sa consommation pour éviter toute condensation à sa surface et limiter ainsi sa contamination par des agents pathogènes via la coquille et donc des intoxications alimentaires.

Enfin, rappelons que la date de fraîcheur d’un œuf n’est valable que si l’œuf est conservé dans les conditions adéquates (sous 4°C avec 70-80% d’humidité). Rappelons qu’un œuf est considéré comme « extra-frais » jusqu’à 9 jours après la ponte et « frais » jusqu’à 28 jours après la ponte. Il a toute les chances de garder ses critères de fraîcheur longtemps (blanc très épais, jaune bombé et qui ne se rompt pas) si vous le conservez au frigo. En effet, un œuf laissé à la température ambiante se détériore sept fois plus rapidement que dans des conditions de conservation au froid. Autrement dit, les œufs laissés à température ambiante se détériorent autant en une journée que dans une semaine au réfrigérateur (blanc d’œuf liquide, jaune qui se casse facilement). Néanmoins, la conservation à 4°C réduit les qualités d’émulsion du jaune d’œuf (nécessaire à la préparation de mayonnaises),et moussantes du blanc d’œuf (pour monter les blancs en neige), qui sont en revanche optimales à température ambiante. Dans ces cas précis, vous pouvez sortir le nombre d’œufs nécessaires à ces préparations culinaires quelques heures avant pour favoriser ces propriétés technologiques.

En somme, pour éviter les TIAC, le consommateur européen doit procéder à un achat éclairé afin de se prémunir des maladies infectieuses d’origine alimentaire associées à cet aliment (salmonelloses). En effet, si l’œuf a été préalablement entreposé à une température inférieure ou égale à 4°C, il est conseillé de maintenir cette température de conservation. En revanche, si l’œuf a été préalablement conservé à température ambiante, stable, les mêmes conditions peuvent être maintenues. Toutefois, dans le doute, il est conseillé de conserver les œufs à 4°C et moins, notamment en les plaçant sur la tablette centrale du réfrigérateur (juste au dessus du tiroir à viande) et non dans la porte susceptible de provoquer des variations de température répétées à chaque ouverture du réfrigérateur. Certes les fabricants de réfrigérateur ont prévu un compartiment spécifique dédié aux œufs dans la porte, il est conseillé de conserver les œufs dans la partie la plus froide du réfrigérateur pour :

  1. Préserver le plus longtemps la viscosité du blanc, les molécules antimicrobiennes du blanc, l’intégrité de la membrane vitelline et la cuticule qui sont des barrières naturelles de l’œuf

  2. Limiter la prolifération micro-bactériennes si les constituants internes de l’œuf (blanc) est malencontreusement contaminé via une coquille fêlée

En effet, cette température de conservation, en-deçà de la température de développement de la Salmonella Spp, permet de limiter les risques de Salmonellose, notamment quand l’œuf est consommé cru (œuf coque, œuf au plat, omelette baveuse) ou incorporé cru ou peu cuit à une préparation culinaire (mayonnaise, mousse au chocolat). De plus, il est fortement conseillé de conserver l’œuf dans son emballage d’origine en carton afin de prévenir l’absorption des odeurs et des saveurs présentes dans le frigo (à moins que votre désir soit de préparer une omelette à la truffe). Enfin, il est conseillé de conserver l’œuf la pointe vers le bas pour ne pas comprimer la chambre à air de l’œuf (bulle d’air qui se forme naturellement suite à la fuite d’eau à travers les pores de la coquille au niveau du gros bout de l’œuf). Pour finir, pour la manipulation de l’œuf, il est recommandé de :

  • Se laver les mains avant et après la manipulation de l’œuf car la coquille est recouverte de nombreux germes

  • Ne pas utiliser un œuf fêlé car les germes auront pu pénétrer dans l’œuf

  • Ne pas utiliser un œuf souillé par des excréments (qui contiennent également de nombreux micro-organismes)

  • Ne pas nettoyer l’œuf (brossage ou passage à l’eau) car cela élimine la fine pellicule qui entoure la coquille et qui lui permet justement d’être protégée

  • Ne pas casser l’œuf sur le récipient qui sera utilisé pour la préparation du plat afin de ne pas faire tomber de brisure de sa coquille dans la préparation

Si vous avez un doute sur l’état de fraîcheur de vos œufs, mirez-les en pointant vos œufs vers une source lumineuse. Si vous observez que la chambre à air gagne en taille, votre œuf est ancien et il vaut mieux le consommer « bien cuit !». Si vous visualisez une fêlure, jetez-le, vous ne prendrez pas ainsi le risque d’une toxi-infection alimentaire !

Pour les œufs durs, préférez les œufs « frais » aux œufs « extra-frais » : vous aurez ainsi plus de facilité à l’écaler car la chambre à air grossit et permet de décoller les membranes coquillières de la coquille (petites « peaux blanches » visibles à l’œil nu). Si votre œuf flotte dans l’eau, c’est que la chambre à air est volumineuse et que votre œuf a perdu ses critères de fraîcheur : il vaut mieux le consommer bien cuit !


Voilà, vous savez tout sur l’art de la conservation des œufs. Nous vous souhaitons donc un bon appétit !

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